mercredi 16 mai 2012

La France ne respecte pas les Droits de l'Homme


Il faut avant tout remettre les choses en place : la Déclaration des Droits de l'Homme (http://www.legifrance.gouv.fr/Droit-francais/Constitution/Declaration-des-Droits-de-l-Homme-et-du-Citoyen-de-1789) n'a rien à voir avec la Bible ou autre texte à vocation éthique. Il s'agit plutôt d'un texte contractuel, entre chaque citoyen et l'administration, visant à délimiter clairement les pouvoirs de cette dernière. La torture, la famine et autres fléaux ne sont pas explicitement exclus par la Déclaration des Droits de l'Homme, dont ce n'est pas l'objet.

Ce contrat est le texte fondateur de notre république, texte sur lequel se base notre constitution, elle-même support de l'ensemble de nos lois et règlements. La Déclaration des Droits de l'Homme ne peut pas être relativisée, sa portée ne peut pas être diminuée par une quelconque loi : si une loi contredit la Déclaration, c'est la loi qu'il faut changer, pas la Déclaration.

La Calanque des Pierres Tombées près de Marseille est un exemple qui me tient particulièrement à cœur, et qui est très représentatif des multiples accrocs à la liberté individuelle commis par les autorités sur toute l'étendue du territoire français : interdiction d'accès à des zones considérées comme dangereuses, zones ou périodes de baignade interdite, sur-réglementation des loisirs dits "à risques"…
L'accès à cette Calanque est interdit à cause des risques d'éboulement. Il ne s'agit pas d'un risque collectif - en accédant à cette Calanque, je ne risque pas de faire tomber des pierres sur d'autres personnes ou sur leurs biens, mais d'un risque personnel – je ne mets en danger que moi-même, et encore, si peu. Le but de l'interdiction est bien de "protéger indirectement les randonneurs de leur propre témérité" (courrier de Jean-Claude Gaudin, 08/06/06). Or, autant le risque collectif entre dans le champ d'action de la loi et des autorités, autant le risque individuel relève exclusivement de la responsabilité et de la liberté individuelle. Cette frontière entre sphère publique et sphère privée est clairement tracée par les articles 4 et 5 de la Déclaration des Droits de l'Homme.
Article 4 : "La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui […]".
Article 5 : "La Loi n'a le droit de défendre que les actions nuisibles à la Société. […]".

Le Conseil d'Etat, dans son rapport sur le port de la burqa, reconnaît "le principe d'autonomie personnelle selon lequel chacun peut mener sa vie selon ses convictions et ses choix personnels, y compris en se mettant physiquement ou moralement en danger".
Il est fort regrettable que cet excellent principe d'autonomie personnelle soit réservé à des personnes désirant s'opposer aux valeurs de notre république, et soit refusé à ceux qui désirent simplement se promener librement.
Note : dans le cas de la burqa aussi, le parlement a négligé aussi bien le principe d'autonomie personnel le rapport du Conseil d'Etat, mais cela est une autre histoire…

Dans le cas de la Calanque des Pierres Tombées, comme dans beaucoup d'autres cas locaux, l'arrêté d'interdiction se base sur les articles L2212-2 et L2212-4 du Code Général des Collectivités Territoriales qui disent notamment que "en cas de danger grave ou imminent, tel que les accidents naturels prévus au 5° de l'article L2212-2, le maire prescrit l'exécution des mesures de sûreté exigées par les circonstances". Le maire peut tout à fait souscrire à ses obligations tout en respectant les droits individuels. Et s'il ne le pouvait pas c'est ces articles qu'il faudrait modifier et certainement pas les Droits de l'Homme. Un affichage du danger est suffisant, et c'est ainsi que le problème est traité dans les pays qui respectent vraiment les Droits de l'Homme.

La France, berceau des Droits de l'Homme, ne les respecte pas. Ironie amère, notre pays a même osé inventer un Secrétariat d'Etat aux Affaires Etrangères et aux Droits de l'Homme. Cette insulte à nos amis étrangers mérite de nous être retournée : j'ai pu constater lors de mes voyages au Royaume Uni, Irlande, Allemagne, Suède, Danemark, Slovénie, que le principe d'autonomie personnelle y est respecté, contrairement à la situation française. Si j'avais été Chancelier allemand, par exemple, j'aurais difficilement résisté au plaisir sarcastique de créer un Secrétariat d'Etat à la Vie Politique Française et aux Détournements de Fonds.

 
 

Je n'ai pas tronqué l'information : le danger est signalé, aucune interdiction n'accompagne ces signalisations.

Sous l'impulsion d'une opinion rêvant d'un illusoire risque zéro, le principe d'autonomie personnelle a disparu, étouffé par une "administration nounou". Alors que chacun devrait être le premier responsable de sa sécurité, nous demandons à l'administration de nous protéger de nos propres "imprudences", comme si nous étions des enfants. En conséquence, notre société devient de plus en plus judiciarisée, Le Maire est traîné devant les tribunaux au moindre incident survenant sur le territoire de sa commune, alors même qu'on ne peut, en principe, le rendre responsable de faits que les Droits de l'Homme lui interdisent d'empêcher. Il légifère alors à tout va, pour se protéger, au mépris des Droits de l'Homme.
N'oublions pas que cette dérive, dont lui et notre liberté sont victimes, n'a pas pu se produire sans son aval, étant donné que la loi est votée par les députés et les sénateurs, dont beaucoup sont également maires.

Monsieur le Maire, vous n'êtes pas mon père! Et je ne suis pas un gamin irresponsable. Non à l'état-nounou!

République bananière
Imaginez qu'un groupe d'individus emprisonne des personnes de manière arbitraire, sans procès équitable, en dehors de toute légalité. Vous croyez que cela se passe à Chicago pendant les temps héroïques de la prohibition?
Imaginez de plus que les kidnappeurs et leurs victimes passent en boucle aux informations de la télévision, sans que ne soit caché ni l'identité des victimes, ni celle des criminels, ni le lieu du crime, et que tout cela se passe donc au vu et au su de tout le monde, avec la complicité passive des forces de l'ordre. Vous vous dites : "non, ce n'est pas un état de droit, nous devons être dans une vague république bananière perdue au bout du monde".
Faux : vous êtes en France, la patrie des Droits de l'Homme, et à notre époque, avec un Président de la République (N. Sarkozy) ayant promis lors de sa campagne de faire respecter le droit. On reconnaît en effet la description des séquestrations de dirigeants d'entreprises par des salariés en colère. Passons sur l'efficacité de la méthode pour localiser les emplois en France. A quand les lynchages télévisés?

Ce type d'action ne constitue que le plus grave exemple des nombreuses entorses au droit que l'on peut constater à chaque conflit social : vandalisme, blocage de sites, atteintes à la liberté de travailler des non grévistes, blocage de voies de circulation ou de trains,… Les déversements de fumier devant les préfectures, même s'ils sont également illégaux, apparaissent finalement bon enfant et teintés d'humour à côté de ces autres crimes et délits.

Notre nouveau président met l'accent sur la justice. Il n'y a pas de justice sans droit. Voyons comment il traitera ce genre de cas.

Défense de fumer
Mr de Villepin, interviewé par Antenne 2 le 11/10/2006 a annoncé l'interdiction de la cigarette dans les lieux publics "pour protéger la santé des fumeurs". Il a ainsi justifié une bonne décision par une mauvaise raison : c'est la santé des non fumeurs qu'il faut protéger, pas celle des fumeurs. Chacun est en droit de prendre pour lui-même les risques associés au mode vie qu'il a choisi.

Home, sweet home
Fin 2008, Christine Boutin a proposé "l'hébergement obligatoire" (c'est l'expression utilisée à l'époque. "Internement" est plus approprié) des SDF pendant les grands froids. Tout à fait d'accord que l'on propose aux SDF de les héberger, mais on n'a pas le droit de les enfermer!

Et la ceinture (de sécurité)?
Le port de la ceinture au volant ne devrait pas être obligatoire. Toutefois, on ne peut pas demander à la société de prendre en charge les soins supplémentaires résultants des risques supplémentaires que chacun choisit de prendre ou de ne pas prendre. C'est pourquoi il serait logique d'exiger de ceux qui ne veulent pas porter la ceinture la souscription à une assurance spécifique.
Et finalement le résultat serait le même : plutôt que de m'arrêter pour chaque gendarme voulant vérifier mon certificat d'assurance, je mettrais la ceinture de manière bien visible…

Et pourquoi pas une ceinture (de chasteté)?
Il est question de pénaliser les client(e)s des prostitué(e)s. Autant le proxénétisme est légalement et moralement répréhensible, autant ce qui se passe entre adultes consentants est hors du champ de la loi. Tous les prostitués ne sont pas l'esclave d'un maquereau.